samedi 18 décembre 2010

Information par Frere Gilbert

En ces jours je pense un peu plus à vous tous les amis qui vivez un peu en communion avec ce que je vis ici dans ce quartier périphérique de la capitale malgache. Je veux vous offrir des vœux de bonheur mais d’un bonheur qu’il nous faut contribuer à faire naître, à grandir et à répandre en le partageant auprès de nous et aussi au loin car là nous y avons des frères tous enfants du Père. Ayez une bonne santé pour y travailler et un moral d’acier car accroché à des croyances qui ne trompent jamais.
Je commence notre tour d’année par évoquer la situation politique et sociale du pays. Très difficile de dire de quoi demain sera fait. Les nouvelles des médias sont plus des rumeurs entretenues que des informations objectives. Se faire une opinion personnelle relève de l’impossible (et peut-être que les dirigeants de tous bords ne tiennent pas à ce que l’on puisse voir clair dans leurs jeux ? jeux de chaises ?....) Depuis deux ans maintenant nous sommes en transition, refusée par les uns, maintenue et  entretenue par les autres, vécue par tous avec des fortunes diverses. Les uns s’enrichissent par des moyens illégaux en profitant soit des contrôles devenus inexistants soit des relations leur permettant de passer outre les lois. Les autres s’appauvrissent car des usines ont fermé et les travailleurs ont perdu leur gagne pain (gagne riz), les rentrées d’argent ont disparu ou au moins diminué, et les prix durant ce temps augmentent, le pouvoir d’achat des familles modestes ( la grande majorité des malgaches) s’enfonce. L’insécurité s’étend un peu partout : pickpockets de toujours qui se multiplient et profitent du désordre, attaques  armées de maisons résidentielles, attaques aussi de bus sur les trajets capitale-province ou inverse. Malgré tout cela la transition a réussi à faire en sorte que le référendum se déroule : avec 52% de participants et 74% de oui cela n’est pas ridicule mais  il est vrai qu’il y a eu bien des imperfections dans sa préparation, son déroulement (et peut-être aussi son dépouillement), peut-être que « imperfection est un  mot trop faible pour parler d’anomalies qui ont peut-être été provoquées !) La quatrième république est en vue puisque la constitution était le sujet de ce vote (4ème depuis 1958, en seulement 52 ans… à ce rythme on va arriver très vite à la 20ème.) Le pays dans son ensemble vit dans le calme même si c’est un calme apparent : en ville de Tana il y a de la crainte, les commerçants craignent toujours des débordements lors des manifestations, les familles craignent les voleurs qui rôdent dans la nuit et qui osent même agir en plein jour, les gens honnêtes craignent pour leur travail : même si leurs revenus sont faibles, au moins il y a quelque chose pour survivre, les étudiants craignent pour les examens sanctionnant l’année écoulée et les autres pour l’année à venir qui pourrait devenir une année blanche ; des malades ont craint pour leurs soins face aux grèves des médecins, et l’ensemble craint les comportements de l’armée : on clame son unité, elle a fait une conférence et y a décidé qu’elle ne se mêlerait pas de politique, mais il en est tout autrement :  les divisions existent bel et bien, elles sont entretenues et exploitées par des hommes politiques à la recherche de postes, et des militaires trahissent la grande muette par des déclarations de toutes sortes dans les médias, certains ont même tenté un « coup d’état » : ils ont déclaré qu’ils abolissaient toutes les institutions de la transition( et ont cru  « naïvement » que le seul fait de la dire faisait exister leur décision) mais cette tentative a bientôt été réduite  à zéro ; il y a eu arrestation sans trop d’opposition. Pour qui travaillaient ces militaires ? Tous les dessous sont bien compliqués. Nul ne sait ce que pense l’autre et tout est interprété par chacun selon ses propres convictions. Voilà notre décor politique avec ses répercussions sur le social et la vie quotidienne des gens.
Du côté de mes activités ce sont toujours les mêmes : un travail au bureau du Collège de l’Immaculée Antsobolo et une responsabilité d’animation de l’ensemble des communautés et des frères de Saint-Gabriel de Madagascar.
Le Collège se retrouve cette année avec le même effectif que l’an passé soit 108 en pré-scolaire (maternelle et 12ème), 244 en primaire (7 classes), et 176 de la 6ème à la 3ème. Les résultats aux examens officiels ont donné satisfaction (100% au CEPE et 82% au BEPC). Les autres résultats d’éducation sont beaucoup plus difficiles à évaluer et pourtant dans le monde où les enfants vivent chaque jour c’est sans doute cela qui est de loin le plus important. Du côté des finances venant des familles, il y a beaucoup de difficultés pour celles dont le travail est perdu, dont les revenus ont baissé, il y a toujours les cas de décès ou de maladie, mais je rencontre aussi de beaux exemples de gens qui ne reculent pas devant ce qu’ils appellent leur « devoir » : telle famille accueille une femme à moitié paralysée suite à un AVC et se démène pour lui assurer soins, logement, prise en charge, nourriture.. Toute la famille est unie dans ce travail. Il y a aussi des cas de malgaches (pas très aisés mais proches des autres) qui donnent de leur temps, ou de leur argent, pour aider à la scolarisation de voisins démunis ou en difficulté. Cela existe.. Trop rarement chez les riches... même s’il y en a quelques-uns. Nous continuons la collaboration avec des gens et des associations qui nous aident à  scolariser les enfants de familles nécessiteuses en payant tout ou partie des frais liés à cela, d’autres continuent à nous aider à apporter un complément nutritionnel à l’ensemble des enfants (2 yaourts par semaine au pré-scolaire, et 2 œufs durs par semaine pour le primaire) ; d’autres ont envoyé des livres pour la bibliothèque où tous les élèves défilent au moins durant une heure par semaine, d’autres aident à entretenir et renouveler des structures pour assurer un meilleur service, il y a le gardien de nuit et quelques grilles pour dissuader les voleurs que nous avons connus. Le passage d’un responsable d’association a compris notre souci  face aux enfants de la carrière : il y a tellement de retards chez eux, difficilement rattrapables ! Il ne suffit pas de leur permettre de fréquenter l’école, il faut aussi préparer l’éveil des tout petits avant l’école pour qu’ils apprennent à vivre avec d’autres et pour qu’ils puissent éveiller leurs facultés intellectuelles par des jeux éducatifs mis à leur disposition. Ainsi l’idée d’une « crèche-garderie » pour les tout-petits qui accompagnent les mamans dans la carrière en attendant leur entrée dans la maternelle est devenue un projet qui connaît un début de réalisation par la construction du local. Le personnel n’est pas encore bien défini mais une sœur qui fréquente les familles pauvres du quartier sera sans doute la cheville ouvrière. L’utilité de ce projet saute aux yeux des visiteurs qui n’hésitent pas à participer et à soutenir. Il y aura de nombreux problèmes d’horaire, de nourriture, de propreté et d’hygiène…etc.. mais tout cela trouvera des réponses adaptées au fur et à mesure. Les enseignants ont maintenant un salaire un peu plus proche du smic car les parrainages sont aussi des rentrées assurées. Ils ont compris je crois que les effectifs des élèves. dépendront de leur attitude pédagogique, des résultats aux examens, d’un faible taux de redoublement,  
Quant à l’animation des communautés et des frères, cela est un autre genre d’activité qui vous apporte beaucoup de soucis (si l’on veut que tout le monde soit ardent et fidèle), qui demande des prévisions et des réunions, qui  exige des visites et des déplacements et donc du temps.. Mais c’est une activité qui donne tellement de joie : on travaille sur de l’essentiel, ce qui fait le sens de notre vie de consacrés à Dieu et à son service (dans le domaine de l’éducation).  Comment ne pas vivre d’espérance lorsque les faiblesses qui sautent aux yeux deviennent des tremplins pour rebondir et redémarrer une nouvelle vie. Je ne pourrai pas entrer dans les détails dans ce domaine car nous touchons à l’intimité de la famille et il est mieux de porter cela ensemble, en frères. C’est aussi en circulant que je découvre actuellement l’état du pays : la sécheresse d’abord, que de rizières encore non plantées (un bon mois de retard) ! dont le spectacle désolant  annonce bien des jours de privations ; que de collines brûlées par des feux injustifiables bien souvent  mais dont les résultats sont dramatiques : l’érosion des sols fertiles, formation de « lavaka » profonds rendant ces terres impropres à la culture !; que de luttes entre les compagnies de transport pour avoir des clients qui se font rares !; combien de milliers de vendeurs et vendeuses de tout ce que vous pouvez imaginer (et même au-delà) : chacun cherche un moyen d’obtenir un revenu pour acheter un riz dont le prix monte (dans un endroit reculé il est monté à 2100 ariary le kilo soit 77 centimes d’euro) ; le prix des carburants aussi monte, le litre d’essence sans plomb est à 2940 ariary (plus de 1 euro : les salaires et revenus étant ce qu’ils sont, c’est la confirmation de deux mondes totalement différents dans ce pays et on pourrait dire que l’ensemble du monde religieux et clérical fait partie de ceux qui ont les moyens. Bien sûr c’est souvent pour le service !!  il n’empêche !...);
Je terminerai ce petit mot en vous remerciant car vous avez été là d’une façon ou d’une autre lorsque la maman s’en est allée après presque 93 ans de vie sur notre terre. C’était fin juin, le jour de le fête de l’Indépendance de Madagascar.. Je vous transmets ici tous les mercis de la famille qui a été heureuse de trouver en cette occasion  le support de votre présence sous de multiples formes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire